Texte rédigé par le GIEC (FAQ 6.2)
Source : Josep G. Canadell et al., 2021, FAQ 6.2 en anglais, version française des FAQ du groupe 1 (pdf, p. 203)
Le changement climatique et la qualité de l’air sont étroitement liés. De nombreuses activités humaines qui produisent des gaz à effet de serre à longue durée de vie émettent aussi des polluants atmosphériques, et beaucoup de ces polluants atmosphériques sont également des « facteurs de forçage climatique à courte durée de vie » qui influent sur le climat. Dès lors, nombre d’options pour l’amélioration de la qualité de l’air peuvent aussi être utilisées pour limiter le changement climatique, et inversement. Toutefois, certaines options d’amélioration de la qualité de l’air provoquent un réchauffement climatique supplémentaire, et certaines mesures de lutte contre le changement climatique peuvent dégrader la qualité de l’air.
Le changement climatique et la pollution atmosphérique sont deux problèmes environnementaux critiques qui ont déjà des conséquences pour l’humanité. En 2016, l’Organisation mondiale de la santé a attribué 4,2 millions de décès dans le monde chaque année à la pollution de l’air ambiant (extérieur). Parallèlement, le changement climatique exerce des effets sur les ressources en eau, la production alimentaire, la santé humaine, les phénomènes extrêmes, l’érosion côtière, les feux de forêt et bien d’autres phénomènes.
La plupart des activités humaines, dont la production d’énergie, l’agriculture, les transports, les processus industriels, la gestion des déchets et le chauffage et la climatisation des habitations, provoquent des émissions de polluants gazeux et particulaires qui modifient la composition de l’atmosphère, ce qui a pour effet une dégradation de la qualité de l’air ainsi qu’un changement climatique. Ces polluants atmosphériques sont aussi des facteurs de forçage climatique à courte durée de vie, c’est-à-dire des substances qui affectent le climat mais restent dans l’atmosphère pour des périodes plus courtes (de quelques jours à quelques décennies) que les gaz à effet de serre à longue durée de vie comme le dioxyde de carbone (voir FAQ 6.1). Bien que les questions de pollution atmosphérique et de changement climatique soient intimement liées, les polluants atmosphériques et les gaz à effet de serre sont souvent définis, étudiés et réglementés indépendamment les uns des autres, tant dans la sphère scientifique que dans celle des politiques publiques.
Bon nombre de sources émettent simultanément du dioxyde de carbone et des polluants atmosphériques. Lorsque nous conduisons nos véhicules à carburant fossile ou allumons un feu de cheminée, ce n’est pas seulement du dioxyde de carbone ou des polluants atmosphériques qui sont émis, mais toujours un mélange des deux. Il n’est donc pas possible de séparer les émissions en deux groupes bien distincts. En conséquence, les politiques visant à lutter contre le changement climatique peuvent avoir des bénéfices ou des effets secondaires indésirables sur la qualité de l’air, et inversement.
Les politiques dites « gagnant-gagnant » à court terme, qui améliorent la qualité de l’air et limitent le changement climatique simultanément, incluent par exemple la mise en place de mesures d’efficacité énergétique, la capture et la récupération du méthane lors de la gestion des déchets solides et par l’industrie pétrolière et gazière, les véhicules zéro émission, les cuisinières et les chaudières efficaces et non polluantes, la filtration des suies (particules) pour les véhicules diesel, les technologies moins polluantes pour les fours à briques, les pratiques qui réduisent le brûlage des déchets agricoles et l’élimination du kérosène pour l’éclairage.
Cependant, il existe aussi des mesures « gagnant-perdant ». Ainsi, la combustion du bois est définie comme neutre en ce qui concerne le carbone car un arbre accumule la même quantité de dioxyde de carbone tout au long de sa vie que celle qui est libérée lorsque son bois est brûlé. Cependant, la combustion du bois peut aussi entraîner des émissions importantes de polluants atmosphériques tels que le monoxyde de carbone, les oxydes d’azote, les composés organiques volatils et les particules, qui ont des effets à l’échelle locale ou régionale sur le climat, la santé humaine et les écosystèmes (FAQ 6.2, figure 1). À l’inverse, réduire la quantité d’aérosols sulfatés produits par les centrales électriques et les sites industriels ou provenant du transport maritime améliore la qualité de l’air mais entraîne un réchauffement du climat, puisque ces aérosols sulfatés contribuent à refroidir l’atmosphère en bloquant la lumière solaire incidente.
La qualité de l’air et le changement climatique sont indissociables, et aborder ces deux problèmes ensemble permettrait des synergies et des bénéfices économiques appréciables, tout en évitant les politiques qui atténuent un des deux problèmes mais aggravent l’autre.
Figure 1 – Limiter le changement climatique et améliorer la qualité de l’air ?
Le changement climatique et la qualité de l’air sont si étroitement liés qu’en traitant l’un des problèmes, on peut agir sur l’autre.
Liens entre les mesures visant à limiter le changement climatique et les mesures visant à améliorer la qualité de l’air.
Les gaz à effet de serre (GES) et les aérosols (en orange et en bleu) peuvent influencer directement le climat. Les polluants atmosphériques (en bas) peuvent avoir des effets sur la santé humaine, les écosystèmes et le climat. Tous ces composés ont des sources communes et interagissent parfois dans l’atmosphère, et ne peuvent donc être étudiés séparément (flèches grises en pointillé).
Source complète
Canadell, J.G., P.M.S. Monteiro, M.H. Costa, L. Cotrim da Cunha, P.M. Cox, A.V. Eliseev, S. Henson, M. Ishii, S. Jaccard, C. Koven, A. Lohila, P.K. Patra, S. Piao, J. Rogelj, S. Syampungani, S. Zaehle, and K. Zickfeld, 2021: Global Carbon and other Biogeochemical Cycles and Feedbacks. In Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, pp. 673–816, doi:10.1017/9781009157896.007.