Texte rédigé par le GIEC (FAQ 6.1)

Source : Josep G. Canadell et al., 2021, FAQ 6.1 en anglais, version française des FAQ du groupe 1 (pdf, p. 201)

Les facteurs de forçage climatique à courte durée de vie (SLCF) sont des composés tels que le méthane et les aérosols sulfatés qui réchauffent ou refroidissent le climat de la Terre sur des échelles de temps plus courtes – de quelques jours à quelques années – que les gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone, dont l’effet climatique dure des décennies, des siècles ou davantage. Comme les SLCF ne restent pas très longtemps dans l’atmosphère, leur effet sur le climat est différent d’une région à l’autre et peut changer rapidement si leurs émissions changent. Certains SLCF étant aussi préjudiciables à la qualité de l’air, les mesures d’amélioration de la qualité de l’air ont permis une forte diminution des émissions et des concentrations de ces SLCF dans nombre de régions au cours des dernières décennies.

Les SLCF comportent des gaz ainsi que de fines particules appelées aérosols et peuvent avoir un effet de réchauffement ou de refroidissement sur le climat (figure 1). Ceux qui exercent un effet de réchauffement sont soit des gaz à effet de serre(tels que l’ozone ou le méthane), soit des particules comme le carbone suie, qui réchauffent le climat en absorbant de l’énergie et que l’on nomme parfois polluants climatiques à courte durée de vie. Ceux qui exercent un effet de refroidissement, en revanche, sont principalement constitués de particules d’aérosols (de sulfates, de nitrates et organiques, notamment) qui refroidissent le climat en réfléchissant davantage la lumière solaire incidente.

Certains SLCF n’ont pas d’incidence directe sur le climat mais produisent des composés climatiquement actifs et sont appelés précurseurs. Les SLCF peuvent être émis de façon naturelle ou résulter d’activités humaines comme l’agriculture ou l’extraction de combustibles fossiles. Souvent, les sources humaines, en particulier celles qui font intervenir une combustion, produisent des SLCF en même temps que du dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre à longue durée de vie. Les émissions ont augmenté depuis le début de l’industrialisation, et l’homme est aujourd’hui la principale source de plusieurs SLCF et de leurs précurseurs, dont le dioxyde de soufre (qui produit des aérosols de sulfates) et les oxydes d’azote (qui produisent des aérosols de nitrates et de l’ozone), en dépit des fortes réductions obtenues ces dernières décennies dans certaines régions grâce à des mesures d’amélioration de la qualité de l’air.

L’effet climatique d’un composé chimique dans l’atmosphère repose sur deux éléments : i) son efficacité à refroidir ou à réchauffer le climat (son efficacité radiative) et ii) le temps qu’il reste dans l’atmosphère (sa durée de vie). En raison de leur efficacité radiative élevée, les SLCF peuvent avoir un effet prononcé sur le climat, même si leur durée de vie est relativement courte, jusqu’à environ deux décennies après leur émission. Aujourd’hui, les effets de réchauffement et de refroidissement liés aux SLCF s’équilibrent les uns les autres, mais il est possible que cela change à l’avenir.

De par leur courte durée de vie, les SLCF ont des effets limités dans l’espace comme dans le temps. En premier lieu, parmi tous les SLCF, le méthane et les hydrocarbures halogénés à courte durée de vie sont ceux qui persistent le plus longtemps dans l’atmosphère, jusqu’à deux décennies (figure 1). C’est une durée suffisamment longue pour qu’ils se mélangent dans l’atmosphère et se propagent à l’échelle planétaire. La plupart des autres SLCF ne restent dans l’atmosphère que quelques jours à quelques semaines, durée généralement trop courte pour qu’ils se mélangent dans l’atmosphère, parfois même à l’échelle régionale. En conséquence, les SLCF sont inégalement répartis, et leurs effets sur le climat ont une portée plus régionale que les gaz à plus longue durée de vie. En deuxième lieu, des changements rapides (mais soutenus) dans les émissions de SLCF peuvent entraîner des effets climatiques rapides.

Outre leurs effets directs de réchauffement et de refroidissement, les SLCF ont d’autres conséquences nombreuses pour le système climatique et la qualité de l’air (voir la FAQ 6.2). Ainsi, le dépôt de carbone suie sur la neige en assombrit la surface, qui absorbe alors davantage d’énergie solaire, ce qui augmente la fonte et le réchauffement. Les aérosols, par ailleurs, modifient les propriétés des nuages, ce qui a des effets indirects de refroidissement sur le climat et provoque localement des changements de pluviométrie (voir FAQ 7.2). Les modèles climatiques indiquent que les SLCF ont modifié la circulation atmosphérique à l’échelle locale et même à l’échelle hémisphérique (s’agissant, par exemple, des moussons) ainsi que les précipitations régionales. Ainsi, des observations récentes montrent que la météorologie régionale est influencée par les forts contrastes régionaux qui caractérisent l’évolution des concentrations d’aérosols, particulièrement en Asie du Sud et de l’Est.

Si les politiques visant à limiter le changement climatique et les débats sur ce qu’il est convenu d’appeler les budgets carbone résiduels mettent surtout l’accent sur le dioxyde de carbone (voir FAQ 5.4), les SLCF peuvent influencer significativement les changements de température. Il est donc important de comprendre comment les SLCF fonctionnent et d’en quantifier les effets. Comme la réduction de certaines émissions de SLCF tels que le méthane peut réduire simultanément leur effet réchauffant et leurs effets néfastes sur la qualité de l’air tout en contribuant à l’atteinte des objectifs de développement durable, l’atténuation des SLCF est souvent perçue comme une option stratégique « gagnant-gagnant ».

Figure 1 – Que sont les facteurs de forçage climatique à courte durée de vie et quels effets ont-ils sur le climat ?
Les facteurs de forçage climatique à courte durée de vie ne restent pas très longtemps dans l’atmosphère, de sorte qu’une augmentation ou une diminution de leurs émissions se répercute rapidement sur le système climatique.

Les principaux facteurs de forçage climatique à courte durée de vie, leurs sources, leur durée de présence dans l’atmosphère et leur contribution respective aux changements de la température à la surface du globe entre 1750 et 2019 (surface du globe). Par définition, cette contribution dépend de la durée de vie, du potentiel de réchauffement/refroidissement (efficacité radiative) et des émissions de chaque composé dans l’atmosphère. Le bleu indique un refroidissement et l’orange un réchauffement. On notera qu’entre 1750 et 2019, la contribution au refroidissement des aérosols (diamants et globes bleus) a été environ deux fois moins importante que la contribution au réchauffement du dioxyde de carbone.

Source complète
Canadell, J.G., P.M.S. Monteiro, M.H. Costa, L. Cotrim da Cunha, P.M. Cox, A.V. Eliseev, S. Henson, M. Ishii, S. Jaccard, C. Koven, A. Lohila, P.K. Patra, S. Piao, J. Rogelj, S. Syampungani, S. Zaehle, and K. Zickfeld, 2021: Global Carbon and other Biogeochemical Cycles and Feedbacks. In Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, pp. 673–816, doi:10.1017/9781009157896.007.

Une réponse