Texte rédigé par le GIEC (FAQ 5.3)

Source : Josep G. Canadell et al., 2021, FAQ 5-3 en anglais, version française des FAQ du groupe 1 (pdf, p. 197)

L’élimination délibérée de dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère pourrait inverser certains aspects du changement climatique (c’est-à-dire en changer le sens). Cependant, cela pourra seulement se produire s’il en résulte une réduction nette de la quantité totale de CO2 dans l’atmosphère, autrement dit si les absorptions délibérées sont plus importantes que les émissions. Certaines tendances du changement climatique, comme l’augmentation de la température à la surface du globe, commenceraient à s’inverser en quelques années. D’autres aspects du changement climatique mettraient des décennies (comme le dégel du pergélisol) ou des siècles (comme l’acidification de l’océan profond) à s’inverser, et certains, comme l’élévation du niveau de la mer, mettraient des siècles ou des millénaires à changer de sens.

L’expression émissions négatives de dioxyde de carbone (CO2) désigne l’élimination du CO2 de l’atmosphère par des activités humaines délibérées, en sus des absorptions qui se produisent naturellement, et est souvent utilisée comme synonyme de l’expression élimination du dioxyde de carbone. Des émissions négatives de CO2 peuvent compenser la libération de CO2 dans l’atmosphère par les activités humaines. Elles pourraient être réalisées en renforçant les processus naturels de piégeage du CO2 sur les terres émergées (par exemple en plantant des arbres ou par des pratiques agricoles qui augmentent la teneur en carbone des sols) et/ou dans l’océan (notamment par la restauration des écosystèmes côtiers) ou en éliminant directement le CO2 de l’atmosphère. Si les absorptions de CO2 sont supérieures aux émissions de CO2 dues à l’homme à l’échelle mondiale, les émissions sont dites nettes négatives. On notera que les technologies d’élimination du CO2 ne sont pas capables d’atteindre l’échelle d’absorption qui serait nécessaire pour compenser les niveaux actuels d’émissions, ou n’y sont pas encore prêtes, et que la plupart ont des effets secondaires indésirables.

En l’absence d’élimination délibérée du CO2, la concentration de CO2 dans l’atmosphère (une mesure de la quantité de CO2 dans l’atmosphère) résulte d’un équilibre entre les rejets de CO2 par les activités humaines et l’élimination du CO2 par des processus naturels sur les terres émergées et dans les océans (les « puits de carbone » naturels, voir FAQ 5.1). Si la libération de CO2 dépasse l’élimination par les puits de carbone, la concentration de CO2 dans l’atmosphère augmente ; si la libération de CO2 est égale à l’élimination, la concentration de CO2 dans l’atmosphère se stabilise ; et si l’élimination du CO2 dépasse les rejets, la concentration de CO2 diminue. Il en va de même pour les émissions nettes de CO2, à savoir la somme des rejets dus à l’homme et des absorptions délibérées.

Si la concentration de CO2 dans l’atmosphère commence à diminuer, le climat de la Terre réagira à ce changement (figure 1). Certaines parties du système climatique mettent du temps à réagir à un changement de la concentration de CO2, de sorte qu’une diminution du CO2 atmosphérique à la suite d’émissions nettes négatives ne conduirait pas immédiatement à une inversion de toutes les tendances du changement climatique. Des études récentes ont montré que la température à la surface du globe commencerait à baisser en quelques années après une diminution du CO2 atmosphérique, même si cette baisse ne serait pas détectable avant des décennies en raison de la variabilité climatique naturelle (voir FAQ 4.2). D’autres conséquences du changement climatique d’origine humaine, comme la diminution de l’étendue du pergélisol, mettraient des décennies à s’inverser ; d’autres encore, comme le réchauffement, l’acidification et l’appauvrissement en oxygène de l’océan profond, mettraient des siècles à s’inverser à la suite d’une baisse de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Le niveau de la mer continuerait de s’élever pendant des siècles ou des millénaires, même si l’on parvenait à éliminer de grandes quantités de CO2 par des absorptions délibérées.

Les scénarios de « dépassement » sont une catégorie de scénarios futurs qui font l’objet d’une attention croissante, notamment dans le contexte d’objectifs climatiques ambitieux, comme la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C ou 2 °C inscrite dans l’Accord de Paris. Dans ces scénarios, un rythme lent de réduction des émissions à court terme est compensé par des émissions nettes négatives de CO2 à la fin du siècle, ce qui donne lieu à un écart ou « dépassement » temporaire par rapport au niveau de réchauffement considéré. Étant donné la réaction différée de plusieurs composantes du système climatique, il s’ensuit que le dépassement temporaire se traduirait par des changements climatiques supplémentaires par rapport à un scénario qui atteint l’objectif sans dépassement. Il faudrait des décennies, voire des siècles, pour que ces changements s’inversent, prenant plus longtemps pour les scénarios où le dépassement est plus important.

En éliminant davantage de CO2 de l’atmosphère qu’il n’en est émis, on commencerait effectivement à inverser certains aspects du changement climatique, mais certains changements se poursuivraient selon la direction en cours pendant des décennies à des millénaires. Les méthodes capables d’éliminer le CO2 à grande échelle en sont encore au stade de la recherche-développement ou n’ont pas fait leurs preuves aux échelles de déploiement nécessaires pour parvenir à une réduction nette des niveaux de CO2 dans l’atmosphère. Les méthodes d’élimination du CO2, en particulier celles qui sont destinées à être déployées sur les terres émergées, peuvent avoir des effets secondaires indésirables sur l’eau, la production alimentaire et la biodiversité.

Figure 1 – Modifications des aspects du changement climatique en réponse à un pic et à une baisse de la concentration atmosphérique de CO2 (panneau supérieur). La ligne grise verticale discontinue indique dans tous les panneaux le moment où se produit le pic de concentration de CO2. Elle montre que l’inversion du réchauffement à la surface du globe se produit avec un décalage de quelques années par rapport à la diminution de la concentration de CO2 dans l’atmosphère, que l’inversion de la réduction de la zone du pergélisol est décalée de plusieurs décennies par rapport à la diminution du CO2 atmosphérique et que la dilatation thermique des océans se poursuit pendant plusieurs siècles. Les informations quantitatives de la figure (c’est-à-dire les chiffres sur les axes verticaux) ne doivent pas être mises en relief, car elles résultent de simulations à partir d’un seul modèle et seraient différentes pour d’autres modèles. On peut toutefois s’attendre à ce que le comportement qualitatif soit largement indépendant du modèle.
En retirant de l’atmosphère plus de dioxyde de carbone (CO2) qu’il n’en est émis, on pourrait inverser certains aspects du changement climatique, mais certains changements se poursuivraient selon leur tendance actuelle pendant des décennies à des millénaires.

Source complète
Canadell, J.G., P.M.S. Monteiro, M.H. Costa, L. Cotrim da Cunha, P.M. Cox, A.V. Eliseev, S. Henson, M. Ishii, S. Jaccard, C. Koven, A. Lohila, P.K. Patra, S. Piao, J. Rogelj, S. Syampungani, S. Zaehle, and K. Zickfeld, 2021: Global Carbon and other Biogeochemical Cycles and Feedbacks. In Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, pp. 673–816, doi:10.1017/9781009157896.007.