Texte rédigé par le GIEC (FAQ 8.1)

Source : Josep G. Canadell et al., 2021, FAQ 8.1 en anglais, version française des FAQ du groupe 1 (pdf, p. 211)

La façon dont l’homme utilise et modifie la couverture des sols, par exemple en convertissant des champs en zones urbaines ou en défrichant des forêts, peut influer sur chaque aspect du cycle de l’eau. Les changements d’affectation des terres peuvent modifier les précipitations et la façon dont l’eau est absorbée par le sol, s’écoule dans les cours d’eau ou inonde la surface du sol, ainsi que la façon dont l’humidité s’évapore dans l’air. Les changements qui affectent l’un quelconque de ces aspects du cycle interconnecté de l’eau peuvent se répercuter sur l’ensemble du cycle et la disponibilité des ressources en eau douce.

La notion d’usage des terres décrit l’association entre diverses activités et la couverture des sols qui caractérise chaque zone de la surface continentale de la Terre. Une altération de cet usage peut modifier les échanges d’eau entre l’atmosphère, le sol et le sous-sol (figure 1).

À titre d’exemple, des changements dans la couverture des sols peuvent altérer la capacité des sols à absorber l’eau de surface (infiltration). Quand le sol perd sa capacité d’absorber l’eau, les précipitations qui devraient normalement s’infiltrer et contribuer aux réserves d’eau souterraine vont au contraire déborder, ce qui augmente les eaux de surface (ruissellement) et la probabilité d’inondations. Ainsi, le remplacement de la végétation par un couvert urbain peut avoir pour conséquence que l’eau s’écoule rapidement sur les bâtiments, les routes et les voies de circulation et dans les égouts au lieu de s’infiltrer dans le sol. La déforestation de zones vastes peut aussi réduire directement l’humidité du sol, l’évaporation et les précipitations à l’échelle locale, mais peut également entraîner des changements de température à l’échelle régionale qui modifient le régime des précipitations.

Extraire de l’eau des nappes phréatiques et des cours d’eau pour l’agriculture, l’industrie et l’eau potable épuise les nappes phréatiques et peut augmenter l’évaporation en surface, car l’eau qui était auparavant dans le sol se trouve désormais en contact direct avec l’atmosphère, exposée à l’évaporation.

Le changement d’affectation des terres peut aussi modifier le degré d’humidité des sols, ce qui influence la rapidité avec laquelle les sols se réchauffent et se refroidissent et le cycle local de l’eau. Des sols plus secs évaporent moins d’eau dans l’atmosphère mais se réchauffent davantage pendant la journée. Il peut en résulter des panaches d’air plus chauds, flottant davantage, qui peuvent favoriser la formation de nuages et de précipitations si l’humidité de l’air est suffisante.

Le changement d’affectation des terres peut aussi modifier la quantité des particules d’aérosols dans l’air. Ainsi, les activités industrielles et domestiques peuvent contribuer aux émissions d’aérosols, de même que des milieux naturels comme les forêts ou les lacs salés. Les aérosols refroidissent la température de la planète en bloquant la lumière du soleil, mais ils peuvent aussi influencer la formation des nuages et donc l’occurrence des précipitations (voir FAQ 7.2).

La végétation joue un rôle important en absorbant l’humidité du sol et en évacuant l’eau dans l’air (transpiration) par des trous minuscules (stomates) qui permettent aux plantes d’absorber du dioxyde de carbone. Certaines plantes retiennent mieux l’eau que d’autres, de sorte que des changements dans la végétation peuvent modifier la quantité d’eau qui s’infiltre dans le sol, s’écoule dans les cours d’eau ou s’évapore.

Plus généralement, le changement d’affectation des terres est responsable actuellement d’environ 15 % des émissions de dioxyde de carbone dues aux activités humaines, contribuant au réchauffement planétaire qui lui-même influence les précipitations, l’évaporation et la transpiration des plantes. En outre, des concentrations plus élevées de dioxyde de carbone dans l’atmosphère résultant des activités humaines peuvent rendre les plantes plus efficaces pour retenir l’eau car leurs stomates n’ont pas besoin de s’ouvrir autant. Une meilleure gestion des terres et de l’eau (par le reboisement ou l’irrigation durable, par exemple) peut aussi contribuer à limiter le changement climatique et à faciliter l’adaptation face à certaines de ses conséquences néfastes.

En bref, il est largement établi que le changement d’affectation des terres et de la couverture des sols modifie le cycle de l’eau à l’échelle globale, régionale et locale, en affectant les précipitations, l’évaporation, les inondations, les eaux souterraines et la disponibilité de l’eau douce pour les divers usages. Comme toutes les composantes du cycle de l’eau sont interdépendantes (et liées au cycle du carbone), le changement d’affectation des terres se répercute sur beaucoup d’autres composantes du cycle de l’eau et du système climatique.

Figure 1 – Comment le changement d’affectation des terres influence-t-il le cycle de l’eau ?
Le changement d’affectation des terres affecte le cycle de l’eau de multiples façons, ce qui a ensuite des conséquences pour l’ensemble du cycle.

Les changements d’affectation des terres et leurs conséquences pour le cycle de l’eau. Comme toutes les composantes du cycle de l’eau sont interdépendantes, les changements affectant un aspect du cycle se répercutent sur la presque totalité du cycle.

Source complète
Canadell, J.G., P.M.S. Monteiro, M.H. Costa, L. Cotrim da Cunha, P.M. Cox, A.V. Eliseev, S. Henson, M. Ishii, S. Jaccard, C. Koven, A. Lohila, P.K. Patra, S. Piao, J. Rogelj, S. Syampungani, S. Zaehle, and K. Zickfeld, 2021: Global Carbon and other Biogeochemical Cycles and Feedbacks. In Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, pp. 673–816, doi:10.1017/9781009157896.007.